
La migration internationale est un phénomène complexe et multidimensionnel qui concerne des millions de personnes dans le monde. Elle pose des défis importants aux États, aux organisations internationales et aux acteurs de la société civile, qui doivent trouver des moyens de gérer les flux migratoires de manière sûre, ordonnée et régulière, tout en respectant les droits de l’homme et la dignité des migrants.
Dans ce contexte, le droit international de la migration joue un rôle essentiel pour fournir un cadre normatif et juridique aux politiques migratoires. Il s’agit d’un domaine du droit en constante évolution, qui se nourrit de sources diverses et parfois contradictoires, telles que les traités multilatéraux et bilatéraux, les instruments non contraignants, le droit coutumier, la jurisprudence et la doctrine.
Yassine Yakouti est un expert reconnu du droit international de la migration, qui a publié plusieurs ouvrages et articles sur le sujet. Il est également professeur à l’Université de Paris Nanterre et directeur du Centre de recherche sur les droits de l’homme et le droit humanitaire (C.R.D.H.). Yassine Yakouti présente sa vision des principaux défis actuels du droit international de la migration.
Le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières : un instrument novateur mais non contraignant
Le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières est le premier accord négocié au niveau intergouvernemental couvrant tous les aspects de la migration internationale. Il a été adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies le 19 décembre 2018, après deux ans de consultations et de négociations.
Voici une vidéo expliquant le droit des migrants :
Selon Yassine Yakouti, le Pacte mondial représente une avancée significative pour reconnaître la migration comme un phénomène positif et bénéfique pour le développement humain, ainsi que pour affirmer les principes et les objectifs communs qui doivent guider l’action des États en matière de migration. Le Pacte mondial contient 23 objectifs et 187 engagements concrets pour améliorer la coopération internationale, renforcer la protection des droits des migrants, prévenir les risques liés à la migration irrégulière, faciliter l’intégration des migrants dans les sociétés d’accueil…
Toutefois, Yassine Yakouti souligne également les limites du Pacte mondial, qui est un instrument non contraignant (droit souple) qui ne crée pas d’obligations juridiques pour les États. Il rappelle que le Pacte mondial est ancré dans le droit international existant, avec de nombreux objectifs qui font partie du droit international coutumier ou qui découlent des traités relatifs aux droits de l’homme. Il regrette que certains États aient refusé d’adhérer au Pacte mondial ou aient émis des réserves ou des déclarations interprétatives qui en affaiblissent la portée. Il appelle donc à une mise en œuvre effective du Pacte mondial, à travers un suivi régulier et une évaluation périodique des progrès réalisés.
Le respect des droits de l’homme des migrants : un impératif éthique et juridique
Le respect des droits de l’homme des migrants est au cœur du droit international de la migration. Il s’agit d’un impératif éthique et juridique qui découle de la dignité inhérente à chaque être humain, indépendamment de son statut migratoire. Yassine Yakouti rappelle que les migrants sont titulaires de tous les droits de l’homme universels, indivisibles et interdépendants, qui sont consacrés par les instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’homme, tels que la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille…
Ces droits comprennent notamment le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne, le droit de ne pas être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le droit de ne pas être soumis à l’esclavage ni à la servitude, le droit de ne pas être soumis à une détention arbitraire, le droit à un procès équitable et à un recours effectif, le droit au respect de la vie privée et familiale, le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, le droit à la liberté d’opinion et d’expression, le droit à la liberté de réunion et d’association pacifiques, le droit à l’éducation, au travail, à la santé, à la sécurité sociale, à la culture…
Yassine Yakouti insiste sur le fait que ces droits s’appliquent à tous les migrants, qu’ils soient réguliers ou irréguliers, qu’ils soient demandeurs d’asile ou réfugiés, qu’ils soient victimes de traite ou de trafic illicite, qu’ils soient en transit ou en destination. Il dénonce les violations des droits de l’homme des migrants qui sont commises par certains États ou par des acteurs non étatiques, notamment dans le contexte des contrôles frontaliers, des expulsions collectives, des détentions prolongées ou illégales, des violences physiques ou sexuelles, des discriminations ou des stigmatisations. Il appelle les États à respecter leurs obligations internationales en matière de droits de l’homme et à garantir aux migrants l’accès effectif aux mécanismes de protection et de réparation.

La lutte contre la discrimination et l’exclusion des migrants : un enjeu de justice sociale, selon Yassine Yakouti
La lutte contre la discrimination et l’exclusion des migrants est un enjeu majeur pour assurer leur intégration dans les sociétés d’accueil et pour prévenir les conflits et les tensions sociales. Yassine Yakouti souligne que les migrants sont souvent confrontés à des formes multiples et croisées de discrimination fondées sur leur origine nationale ou ethnique, leur couleur de peau, leur religion, leur langue, leur genre, leur orientation sexuelle, leur âge, leur handicap ou leur statut migratoire. Ces discriminations se manifestent dans différents domaines de la vie sociale, tels que l’emploi, le logement, l’éducation, la santé, la justice ou la participation politique. Elles entravent l’exercice effectif des droits des migrants et compromettent leur accès aux opportunités et aux ressources.
Yassine Yakouti rappelle que le droit international interdit toute discrimination fondée sur un motif prohibé et impose aux États l’obligation de respecter le principe d’égalité et de non-discrimination dans leurs lois, leurs politiques et leurs pratiques. Il cite notamment la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (CIEDR), qui impose aux États parties de condamner toute forme de discrimination raciale et d’adopter des mesures législatives ou autres pour interdire et éliminer toute distinction.